[./index.html]
[./anec_tamaris.html]
[./anec_oublies.html]
[http://www.jardin-de-garrigue.com/ker/]
[http://www.taaf.fr/rubriques/expeditions/archaeobs/geographie_et_histoire.php]
[http://www.taaf.fr/spip/spip.php?article41]
[Web Creator] [LMSOFT]
Le carnet retrouvé
Bonneval sur Arc. 2004

     Un village du bout du monde.
Au fin-fond de la Maurienne.
Altitude :1835 m ; 245 habitants.
     Encore quelques activités traditionnelles : élevage, fromagerie, maintenues à grand peine tant la vie de montagnard est rude dans ces villages perdus.
Toutefois, depuis plusieurs années, le tourisme, a sauvé le village de la ruine : les habitants ont restauré leurs maisons et leurs fermes, fleuri leurs fenêtres. Un village superbement rénové – peut-être un peu trop !
Et Bonneval est devenu un des plus beaux villages de France, au pied de l'Iseran.
L'hiver, la neige, le ski.
L'été, les courses, les balades, avec, à portée de mains – de pieds ! – plusieurs sites prestigieux : l'Iseran et ses massifs, l'Ecot, un hameau des plus célèbres, départ de superbes balades : le refuge du Carro, les sources de l'Arc, le Cirque des Evettes …
Des hôtels, des restaurants, des gites.
     Amandine, 15 ans. Les "Culet" appartiennent à une des plus vieilles familles de Bonneval ; depuis des générations, ils sont éleveurs, bergers, guides, chasseurs de chamois et Amandine entend bien continuer cette tradition et rester au village, comme ses parents, ses grands parents, comme sa grand-mère Marcelline qu'elle écoute religieusement lorsque celle-ci raconte les histoires d'autrefois.
     Surtout celle du carnet retrouvé  au fond d'un tiroir.
Kerguelen, 1912. Baie de l'observatoire.
    
     Valérien et Pierre débarquent ; ils ont été envoyés là par les frères Bossière pour y installer un élevage de moutons et pour évaluer les richesses minières de l'archipel.
Pierre Decouz avait rencontré Henri Bossière en Patagonie où il étudiait l'acclimatation des moutons ; c'est la similitude de climat entre la Patagonie et Kerguelen qui amena les Bossière à tenter cet élevage dans notre archipel.
Pierre recruta alors son ami Valérien pour l'accompagner dans cette aventure.
Valérien Culet, berger et guide à Bonneval, arrière arrière-grand-père d' Amandine.
     Après avoir quitté la France fin 1911, les deux hommes s'installent à Ker début 1912 ; l'aventure ne sera pas celle qu'ils espéraient : la lassitude, l'ennui les gagnent. L'hiver austral est terrible, les hivernants restent enfermés dans leur cabane inconfortable, l'élevage ne remplit pas ses promesses et les projets d'exploration restent bien lointains. Mal équipés, mal chaussés, leur moral, pourtant bien solide chez ces montagnards endurcis, est vite entamé : "c'est plus que triste de voir un pareil temps et de se retrouver isolés comme des sauvages", "on commence à s'embêter car c'est la désolation à Kerguelen", "le temps est long et triste"… Leur seule distraction : guetter le navire du retour !
     Et Valérien note tout cela, de sa petite écriture fine et soignée dans un carnet, le fameux carnet retrouvé par Marcelline.
Nos montagnards seront récupérés en février 1913 et regagneront la France à l'aube de la grande guerre. Pierre Decouz perdra la vie dans les tranchées en 1916 ; Valérien Culet, lui, réchappa au massacre et sa conduite héroïque lui valut d'être décoré par Foch lui-même.
Mais jamais il n'évoqua les longs mois de tristesse et d'ennui passés à Kerguelen, jamais il ne fit allusion à la grande guerre.
Il mourut en 1965 à l'age de 80 ans après avoir passé sa vie comme cafetier à Paris.
Modane, 2005, collège de la Vanoise, classe de 3ème.
   
      Comme dans toutes les classes de troisième, c'est l'année des projets pédagogiques pilotés par quelques professeurs. Certains visiteront le futuroscope, d'autres les champs de batailles des dernières guerres, d'autres enfin les lieux de déportation…
Cette année là, Christine Kuntz, professeur d'arts plastiques, propose à ses élèves la réalisation de carnets de voyage : Titouan Lamazou fait des émules !
Et chacun des élèves d'amener son projet, de faire ses suggestions.
     Lorsque Amandine sortit de son cartable le carnet de son aïeul, le présenta à Christine Kunst et suggéra que la classe travaille sur ce document, l'adhésion fut immédiate, l'enthousiasme général : on allait se renseigner, fouiller les bibliothèques, explorer internet et rassembler tous les documents possibles relatifs à ces fameuses îles.
Où se trouvent-elles donc ?
Pourquoi le climat y est-il si rude ?
Pourquoi nos montagnards se sont-ils expatriés là-bas, si loin de leur vallée ?
     L'enquête progressa et on se retrouva bien vite en contact avec l'administration des Terres Australes (les TAAF) dont c'était le cinquantième anniversaire.
La Réunion, novembre 2005.
   
      Dès le gros 747 posé, après neuf ou dix heures de vol, un petit groupe de passagers est rapidement dirigé vers un autocar qui démarre aussitôt. Après avoir quitté l'aéroport de Gillot, le bus traverse Saint Denis, emprunte la route du littoral, impressionnante, coincée entre une gigantesque falaise volcanique et la mer. Les vestiges de plusieurs tronçons de chaussée et de tunnels maintenant désaffectés témoignent de sa fragilité lors des assauts des cyclones.


Le Port.

     Après avoir atteint Le Port (la ville), le véhicule franchit les grilles du port - le Port des Galets - et s'engage sur les quais.
Peu de navires : un petit pétrolier, un cargo, l'Austral, chalutier de la "SAPMER" qui appareillera bientôt pour sa campagne d'été, et enfin, le Marion Dufresne, navire des Terres Australes. Encore un ou deux conteneurs sur le quai, prêts à être embarqués en cette fin d'après-midi, et le bateau sera fin prêt pour son périple vers le grand Sud.
Le car stoppe au pied de la coupée du Marion et les passagers débarquent.
Ils sont vingt et un, vingt et un collégiens, collège de la Vanoise, Modane, Savoie.
Et il y a là aussi Christine Kunst, leur professeur, et aussi Michel Culet, le grand-père d' Amandine.
Un peu assommés par la fatigue d'un long voyage, la chaleur humide des tropiques, un peu éberlués, un peu groggy : certains d'entre eux n'avaient jamais quitté la vallée !
     Car c'est à cela que le petit projet de classe a abouti : emmener la classe au bout du monde, et aller encore plus loin, dans des contrées plus qu'inhospitalières, sur les traces de Valérien Culet !
Et la route a été bien longue depuis le premier examen du fameux carnet ; les embûches ont été multiples... jusqu'à ce que l'administration des TAAF soit séduite et programme l'embarquement de nos jeunes sur son navire : autorisations, parents, académie, assurances, finances,  subventions, aléas ….
Ils partent pour le circuit habituel de ravitaillement des bases, tout comme le font les scientifiques océanographes profitant des valorisations de transit.
Un périple où le moindre écart représente un danger, à la mer, à terre, lors des transbordements en vedettes, en hélico …
Comme il y a 20 ans, sur le premier Marion.
La rotation, comme on dit.
Mais si les scientifiques ne peuvent que rarement profiter de petites escapades touristiques, nos jeunes montagnards ont été choyés et on leur a organisé – temps permettant – toutes les visites raisonnablement envisageables !
Point fort : Baie de L'Observatoire, avec la pose d'une plaque commémorative de l'hivernage de Valérien et de Pierre.
Le groupe franchit la coupée, un matelot les conduit à la salle de réunion.
Accueil du commandant.
Consignes de sécurité.
Les cabines.
Déjà le repas du soir.
Appareillage.
La grande aventure commence !

.... Et la suite avec quelques images.
Cette aventure est relatée par Jérôme Tubiana, grand reporter, dans la revue "Terre Sauvage", N° 221, avril 2006 - malheureusement épuisé. Les photos du voyage (J. Tubiana),  sont tirées de cet article.
  
Bonneval 1986.
Le fameux carnet
Sous les tropiques ! Les alizés sont cléments ... et la zone des convergences encore bien lointaine ! Photo de famille sur la DZ (Drop Zone) du Marion.
Crozet. Première étape. Le Marion II au mouillage, et, à l'arrière plan, l'île de l'Est exceptionnellement sortie de la brume. On a ajouté "Modane" sur le panneau indicateur, près de la base "Alfred Faure ", et nos collégiens profitent de leur première escale pour faire une petite balade à la plage.
Kerguelen, deuxième escale. Port aux Français (PAF) est la plus grandes des bases (une centaine d'hivernants). Après un programme de visite très chargé : visite des installations, contacts avec les scientifiques responsables des divers programmes de recherche, le temps fort du voyage : pose de la plaque commémorative du séjour de Valérien et Pierre, Baie de l'Observatoire, au fin-fond du Golfe du Morbihan.
Amsterdam, quatrième escale. Après la visite de Saint Paul, impressionnant volcan explosé, et un coucou aux gorfous sauteurs, débarquement à Amsterdam. Le point fort : la chaussée aux otarie et ses propriétaires, les otaries d'Amsterdam. Ces bébêtes n'ont rien de peluches sympathiques ; le grand angle, sur la photo, accentue un peu la taille de l'animal (ici un gros mâle) par rapport aux enfants, mais la bête est tout de même très imposante, et il ne faudrait pas lui barrer la route : ça mord, et fort ! 
2009. On est fin avril : Bonneval rénové sort d'un interminable hiver.
Les gorfous sauteurs de Saint Paul.
Et .... En cas de petit (gros) bobo ? Exemple.
Moralité : " Plus on est loin, moins on est seul ! "
Enfin, selon la formule consacrée, ils sont tous revenus dans leur vallée, les yeux et la tête pleins de souvenirs superbes et émouvants, et enchantés d'avoir fait un si beau voyage !
L'Ecot. 2000m.